Mammouth
Télérama - par Marine Landrot
“Mammouth”, un chat dans un jeu de quilles"
Un chat gris sème la zizanie : il est contre l’ordre établi, se joue des humains engourdis et des animaux racornis. Une vengeance contre ce nom ridicule de Mammouth, dont on l’a affublé ? A apprécier dès 4 ans.
Cette famille-là n’est pas très féline. Le père, la mère, le fils, la fille : tous ont des doigts interminables, collés comme les baguettes chinoises avant dégustation, et des bustes raides, encombrants comme les planches qu’on a l’air malin de rapporter chez soi en sortant d’un magasin de bricolage. Si ces gens ont été chats dans une autre vie, leur corps en a tout oublié. Mais pas leur tête, obnubilée par leur matou un peu foufou. Ils avaient pensé l’appeler Monsieur Lafon, Caca ou Miaou, mais finalement, et à l’unanimité, ce fut Mammouth, avec deux m tellement ils l’aiment.
On ne peut pas dire que cela lui aille comme un gant, mais le décalage fait son effet, et de toutes façons, l’animal est insaisissable par essence, et se serait escrimé à mal porter son nom quel qu’il fût. Il a quand même visiblement une petite rancœur au fond du cœur, et s’en va le démontrer en devenant un chat dans un jeu de quilles, c’est-à-dire en se mettant dans les pattes ankylosées comme dans les cervelles névrosées. Enfin, cette explication en vaut une autre, on ne saura jamais, car Mammouth ne dit mot, il ne parle qu’avec les yeux jaune feu, et avec son sourire en w tout rond.
Chacun cherche son chat.
Chaque page de l’album se glisse à tour de rôle dans la tête d’un personnage, pour y écouter ce qu’il se dit à propos de ce chat gris. Les cogitations valent le détour. Envieuses, méfiantes, tendres, apeurées ou autoritaires, elles se dévoilent en toute franchise, donnant à l’auteur Gauthier David l’occasion de jouer sur tous les registres, avec des mots de velours, des mots de vautours. C’est bien ce mélange caressant et vachard qui fait le sel du texte, montrant l’ambivalence de tout un chacun au fil de ses humeurs. Évidemment, quand ils évoquent ce chat, au fond, les gens parlent d’eux-mêmes. Que Maman jalouse les « tourneboules ventre-dos » de Mammouth révèle l’envie de tout envoyer bouler qui gronde dans le cerveau maternel. Qu’Arthur trouve nulles les idées de noms proposées par ses parents, laisse entendre qu’un préado est en train de poindre. Que la voisine peste contre le vol de ses poubelles montre comment le désœuvrement peut mener au flicage obsessionnel.
Chacun cherche donc midi à quatorze heures, et surtout chacun cherche son chat, car il disparaît, le bougre, laissant les humains se démener avec leurs corps de pantins, pour remettre la main sur lui. Nous ne sommes pas dans une course-poursuite, mais dans un drôle de jeu de cache-cache où l’on finit par perdre de vue l’objet des recherches, tellement il y a de choses à observer dans les illustrations de Fanny Blanc. Une queue de cheval tout à l’horizontale, qui a l’air d’un nuage noir, sorti d’une tempête sous un crâne. Une patte de chien soudain bandée, sous l’œil faussement innocent du chat qui a vite rentré ses griffes entre deux pages. Les souris qui se préparent un plat de pâtes papillons au macaron marron, sur un rebord de fenêtre. Et partout cette étrange façon d’occuper l’espace, réjouissante désobéissance à l’injonction de rangement de soi dans des petites cases...
Mammouth
Éditions Hélium – 2019
Texte : Gauthier David
Illustrations : Fanny Blanc
J’ai beau être chien, j’aime les chats. Mais je ne comprends pas cette méfiance qu’ils ont envers nous, la guerre sans merci qu’ils nous livrent : poils hérissés, griffes pointées, cris terrifiants !
Paniers, caresses, croquettes… il y en a pour tout le monde !
Ils n’ont vraiment pas d’humour. Quand on leur court après en aboyant, ils ne comprennent jamais que l’on joue, nous, les chiens !